top of page

Les mystères du Sud-Ouest - Comment le Stade Toulousain en est arrivé là ?

Depuis deux succès en trompe-l’œil, plus particulièrement le dernier en 2012, un Brennus à la saveur particulière, obtenu après une campagne sans essai, construite sur le talent unique d’un Luke McAlister au sommet de son art, d’une première ligne à la puissance démesurée concassant l’intégralité des monstres à 16 pieds se présentant face à elle, Le Stade Toulousain décline.

2011 et 2012 sont les derniers titres, mais surtout la fin pour une génération dorée du Stade Toulousain, Servat et Jauzion raccrochent les crampons, Bouilhou repartira dans son Béarn natal quelques mois plus tard, Heymans avait choisi un dernier « défi » l’année d’avant, Elissalde devenant un coach rookie avec deux titres en deux saisons etc…

Depuis 2011, le Stade Toulousain semble avoir chu dans une politique bancale, qui ressemble plus à une course au flop sudiste qu’à la recherche d’une nouvelle stratégie qui mettrait en adéquation les principes de formation et de détection du Stade, avec les exigences du professionnalisme sur le long terme.

[Evidemment vous le savez je suis un supporter du Stade Toulousain donc un peu de mauvaise foi peut s'être glissée dans cet article]

Une épidémie de presbytie touche la direction Toulousaine depuis 2011

Certes je force un peu le trait en mettant plus en avant les échecs, néanmoins il n’y a rien de caricatural, pour tous les flops, combien de réussites ? Luke McAlister a entretenu l’espoir avec parcimonie, mais a lentement décliné pour avoir plus d’incidence sur le Chiffre d’Affaires des taverniers de la ville rose que sur le jeu du Stade Toulousain. Guthro Steenkamp et Census Johnston ont suivi la même trajectoire sportive, plus corrélée à leurs âges respectifs qu’aux taverniers. Cela vient s’ajouter à la dernière génération dorée qui a tourné la page du Toulouse conquérant des années 2000 : JBE, Jauzion, Clerc, Heymans, Poitrenaud, Bouilhou, Servat, Poux, Nyanga, Michalak et bien d’autres…

Une génération de joueurs irremplaçables vient garnir le glorieux panthéon du Stade Toulousain, mais cette génération fut aussi exceptionnelle que sa succession fut mal anticipée, voire bâclée par les responsables du club.

En effet, petit retour en arrière, la fabuleuse équipe des années 90 a été alimentée puis progressivement remplacée par des jeunes champions de France Crabos en 1997, 1999, 2000, 2004 et 2005, mais également par des jeunes Français en pleine éclosion repérés par une cellule de recrutement, alors performante (Clerc, Heymans, Fritz etc...). Mais à partir de 2005 (génération Médard, Huget), sans raison connue, un trou générationnel et un recrutement hors des « principes » ayant faits le succès du club apparaissent.

Pour « palier » aux difficultés de la formation, Toulouse aurait pu compenser par de la détection et de la post-formation, mais (comme le montre l’infographie) la cellule de recrutement s’est tournée vers des joueurs « confirmés », souvent des seconds couteaux rugbystique mais au pedigree suffisamment lustré pour que les « recruteurs Youtube » se fourvoient sur la qualité réelle du joueur. Le résultat de cinq saisons de recrutement est maigre, quels résultats ? Quelles satisfactions pourront aider à la reconstruction Joe Tekori (34 ans) et Richie Gray devant, Gaël Fickou voire Kunatani (s’il continue de progresser) derrière, cela fait peu.

Un bien faible bilan pour nourrir une ambition court-termiste au détriment des principes de bâtisseurs qui ont fait le succès et la popularité du Stade Toulousain.

Un avenir plus radieux ?

Cette politique antinomique du Stade depuis plusieurs années l’a plongé dans une « mini-crise ». Le public est moins nombreux mais toujours assez présent pour ne pas déclencher d’articles de presse alarmistes. Les résultats déclinent mais le Stade est (était) toujours au rendez-vous des phases finales. Des guerres intestines minent le back-office mais, moins exposées médiatiquement que si elles se déroulaient au RCT par exemple. Et tout cela est symptomatique de l’intérêt que suscite le Stade Toulousain ces dernières années, il est devenu en réalité un peu fade sur le terrain, un peu moins attractif sur le territoire national, tout cela impacte directement les effectifs des Crabos aux Professionnels en qualité.

  • L’éclosion d’une nouvelle génération, un nouveau départ dès 2017/18 ?

Prise de conscience ou obligation économique ? Peu importe une nouvelle génération talentueuse s’impose actuellement comme un socle crédible à la reconstruction du Stade Toulousain. Qu’ils soient formés au club comme Baille, Marchand, Aldegheri, Cros, Bonneval, S Tolofua ou Doussain par exemple, ou issus de la détection française pour effectuer leur post-formation à Toulouse comme Galan, Bézy, Fickou etc… ces jeunes s’imposent. En parallèle l’équipe dirigeante semble s’être fait prescrire du pragmatisme en suppositoire. Chaque année nous assistions aux prolongations d’ex cadres vieillissants, qui ressemblaient plus à des contrats de remerciements pour services rendus qu’à une réelle logique de performance sportive. Ensuite la cellule de recrutement finalisait l’effectif avec des joueurs « solides », comprenez des joueurs moyens, fiables sans réelle marge de progression personnelle.

  • Les départs 2017/18

Il semble qu’il y ait un virage pris ? Le symbole de ce virage est sans doute le départ de Vincent Clerc l’an dernier. Les dessous de sa non-prolongation importent peu aujourd’hui, mais pour la première fois depuis longtemps le Stade a pris une décision cartésienne, un déchirement sentimental, mais une vraie logique sportive et économique. Faire de la place sportivement dans le squad, dans le salary cap, et c’est malheureux, mais éviter des « rafistolages » d’effectif suite à des blessures récurrentes de joueurs à la carrière longue et éprouvante (bon rétablissement Lamboley). Cette logique pragmatique a été poussée à l’extrême avec Yacouba Camara, où Toulouse a refusé de déréguler son système économique pour s’aligner sur le MHR. Une des réussites de la détection toulousaine s’en ira pour des émoluments que même Dusautoir n’obtenait pas dans la ville rose. Très dommageable sportivement mais stratégiquement parfaitement justifié.

On juge souvent à tort les changements d’ères à travers les recrutements, à Toulouse, ce sont dans les départs que le changement de stratégie est criant. Entre les soldats d’hier, trop marqués par les batailles menées : Steenkamp, Lamboley, Albacete, Johnston, McAlister ; les déceptions : Kakovin, Flood, Marques symboles des errements passés, pas des joueurs ayant démérités mais qui n’ont pas apporté ce que l’on attendait d’eux. Le cas Camara a déjà été évoqué, Christopher Tolofua lui, laisse un sentiment mitigé entre déception et espoir. Déception que le Stade n’ait pu exploiter pleinement son immense potentiel, et espoir que le changement d’air vers ce qui se fait de mieux en Europe le fasse exploser pour le plus grand bonheur du rugby Français.

Reste Dusautoir, j’ai espoir qu’il puisse, à l’image de ce qui se pratique en sport US, re-signer au « salaire minimum » pour continuer à dépanner sur le terrain tout en préparant une reconversion au sein du club. Des hommes de sa qualité, de son expérience sont rares, d’autant plus rare si l’on rajoute que Thierry Dusautoir a un cerveau qui ne lui sert pas qu’à la capitalisation de son image, chose assez rare chez les (ex) grands joueurs et leaders du Rugby Français. Si sportivement il peine à enchainer les matchs, ses performances récentes montrent qu’il est capable d’énormes prestations lorsqu’il est en forme physiquement.

  • Les arrivées 2017/18

Les suppositoires de pragmatisme sont visiblement très efficaces, puisque le recrutement parait d’une cohérence assez incroyable si l’on prend les cinq dernières années comme référentiel.

Des recrues ciblées, peu nombreuses mais qualitatives en terme de talent et de poste :

  • Lucas Pointud : il a prouvé qu’il faisait partie des meilleurs gauchers Français en mêlée et dans le jeu, ses performances lui valant 2 sélections en Argentine cet été. Derrière Cyril Baille, ça ressemble à une excellente pioche. Deux piliers gauches s’en vont, un seul arrive pour laisser de la place aux jeunes formés au club (Neti, Bennan) ou en post-formation au centre de formation (Castets ex-MHR).

  • Charlie Faumuina : (futur cauchemar de prononciation de Marc Lièvremont) Johnston partant, la recrue est de choix, évidemment pas le plus impressionnant des Blacks (ils l’auraient gardé sinon) mais solide en permanence. Un bon duo avec Aldegheri au poste le plus exigent du rugby moderne, poste où le partage des minutes est essentiel, et le barbu ne freinera, à mon avis, pas la progression du jeune droitier toulousain. En espérant qu’il n’y ait pas de blessure parce qu’en numéro 3 on a un reliquat de l’ancien système avec Maks van Dyk, très léger cette saison.

  • Louis-Benoit Madaule : Là aussi je suis étonné par la justesse de ce recrutement, il est le stéréotype de ce qui manque au Stade Toulousain. Un joueur toujours bon sans être exceptionnel, avec peu de défauts, un leader de vestiaire, une espèce de Jean Bouilhou. En revanche une autre recrue va suivre en 3ème ligne, le réservoir est faible en quantité, aujourd’hui. Un coup en pro D2 peut être ? Il ne manquerait que ça pour que je sois pleinement convaincu de l’efficience de la cellule de recrutement.

  • Zack Holmes : Cela n’a échappé à personne, les buteurs déposent le bilan chaque weekend au ST. Avec le buteur du co-leader du Top 14 et ancien ouvreur de la Force, Toulouse a réussi un vrai coup. Titulaire cette saison en 10, 12, 13, 15 avec un pourcentage de réussite excellent, Holmes est un « joueur de complément » parfait. En fonction des blessures et des doublons, il devrait alterner entre le 10 et le 13 mais enchainer les titularisations. Avec le retour de prêt du meilleur buteur de Pro D2 : Thomas Ramos (formé au club), le Stade a comblé ses lacunes.

  • Cheslin Kolbe : Attention possible phénomène et vrai pari. Mais à seulement 23 ans cet ancien membre des Blitzboks, attaque sa 3ème saison comme titulaire au sein des Stormers en Super Rugby. Pour ceux qui ne le connaîtrait pas, c’est un copier-coller de Gio Aplon il y a 10 ans avec peut-être même un peu plus d’appuis, plus courageux en défense, et plus dur au contact malgré un physique atypique dans le rugby actuel, encore plus pour un Sud-Af’.

  • Antoine Dupont : Last but not least, le meilleur pour la fin ? Certainement, après deux saisons fracassantes, Sébastien Bézy marque le pas (certainement par le manque d’un remplaçant solide). Et depuis des années le recruteur des demi-de-mêlées (qui doit être le même que celui des piliers droits) peine à justifier de son travail autant que François Fillon de celui de son épouse. En effet, malgré une piètre réussite face aux perches (cette saison), il reste indispensable tant il est seul. Le successeur désigné, champion de France Crabos 2013 avec le ST mais formé à Sapiac (génération Bonneval, Cros, Marchand), international et leader des U20 a rejoint le RCT : « Fallait pas nous piquer Fickou ! » aurait déclaré Mourad Boudjellal, propos argumenté par James O’Connor qui aurait bégayé « C’est un prêté pour un vomi ! » tout en embrassant son futur capitaine de soirée au RCT, Luke McAlister. Anthony Méric (que l’on souhaite revoir prochainement sur les pelouses pour lui et le RCT) n’a par la suite, pas eu d’alternative solide au centre de formation, du moins pas assez solide pour épauler Bézy. L’arrivée du Castrais, formé dans le Gers au FCA, ne pouvait être plus juste. Je énumérerai pas ses qualités sportives et humaines mais il pue le crack à plein nez (le Racing 92 était d’ailleurs sur le coup).

Pour les deux trois points « polémiques » des compos je prends de l’avance :

  • Tekori sera titulaire dans la majorité des matchs, mais vu l’effectif actuel je ne sais pas s’il jouera plus en deuxième ou en troisième ligne.

  • Doussain/Holmes : le Stade joue mieux, voire joue bien avec JMD à l’ouverture, s’il est dispo je pense qu’il sera titulaire en 10, mais Holmes sera indispensable face aux perches et jouera certainement au centre. JMD absent, Holmes prendra l’ouverture.

  • Dupont/Bézy : Bézy va à mon avis retrouver son meilleur niveau en étant soulagé du but, néanmoins (au risque de me tromper) je pense que Dupont fait partie des très grands et qu’il portera rapidement le numéro 9 des Rouges & Noirs.

  • Kolbe : il débutera peut être à l’aile le temps de s’acclimater, mais le niveau de Maxime Médard m’inquiète, et je le vois très en dessous de Kolbe aujourd’hui. Si la puce Sud-Africaine s’intègre correctement, le 15 sera pour lui.

  • Kunatani : S’il progresse autant que l’été dernier alors il sera indiscutable, si le Stade veut redevenir attractif il faut de la folie, et il en apporte.

  • Le Staff

Il y a culturellement une omerta à Toulouse sur ce sujet, mais il faudra également se poser la question de ce staff. Le groupe ne progresse plus depuis longtemps, certes mon article aurait tendance à démontrer qu’ils ne seraient pas responsables de tout, et c’est effectivement le cas. L’équipe titube depuis longtemps mais la part de responsabilité du staff est difficile à évaluer. En revanche certaines choses interpellent, et notamment la non progression, voire la régression de certains joueurs :

  • La charnière : on fustige Bézy pour sa réussite face aux perches, mais comment un joueur peut passer d’une saison à 90% à une saison à 60%. Comment Jean Marc Doussain peut-il ne pas progresser dans l’occupation du terrain alors que c’est une des seules choses qui manque à sa palette technique (je ne parle pas de physique…). Jean-Baptiste Elissalde est l’entraineur des buteurs et des ¾, j’ai beau cherché je ne vois pas d’explications à cette faillite.

  • Gaël Fickou : le Toulonnais d’origine est un talent incroyable, mais hormis physiquement, je trouve qu’il stagne terriblement, qu’il semble perdu dans un style de jeu stéréotypé derrière, lui qui a besoin de « désordre organisé » pour s’exprimer.

  • Maxime Médard : si ça continue, il va devenir le plus grand regret du Stade, non pas qu’il fasse une mauvaise carrière, mais à 30 ans, j’ai l’impression que celui qui devrait être le 15 titulaire du XV de France, avec un talent immense, un joueur avec presqu’aucun défaut et des qualités offensives hors du commun, joue avec le frein à main gelé.

  • Les départs de jeunes : il est difficile de prédire une évolution, mais chez les ¾ il ya quand même quelques noms qui ont quitté Toulouse en cadet, espoir et pro depuis 2011 et qui réalisent depuis des carrières qui commencent à nous fracturer la rétine quand nous voyons les recrues faites depuis à leur poste : Teddy Iribaren, Gabriel Lacroix, Rémi Lamerat, Karl Château, (Victor Moreaux moins connu mais vu le réservoir en 2ème ligne je prends).

  • Les départs de Christopher Tolofua et Louis Picamoles vers la Premiership : en dehors de la perte sportive (même si c’est une bonne chose pour le rugby français je pense), on voit que le club, le staff n’a pas réussi à vendre un projet à ces joueurs pourtant très attachés au club. Alors pour Tolo, signer au Sarries est une réelle progression sportive. Par contre, en dehors de la hype actuelle (plutôt justifiée) de la premiership, Northampton, plein centre de l’Angleterre, club moyen au palmarès léger, qui ne jouera pas les phases finales ni en Coupe d’Europe (dernier de poule derrière Castres quand même) ni en Premiership, là c’est un sacré désaveu !

Et puis de façon plus impalpable il y a le jeu, autant les gros font illusion aux yeux du grand public grâce à l’excellente tenue des jeunes en mêlée, autant le jeu global proposé est catastrophique. La faiblesse des lancements des ¾ est abyssale, des éclairs de Bonneval, Fickou, Kunatani viennent parfois pimenter une animation collective très faible, mais si ça sauve les apparences, ça ne règle rien.

Bien sur la politique fustigée ci-dessus ne peut permettre de jouer les premiers rôles en Top 14 et en Coupe d’Europe, en revanche beaucoup d’équipes nous montrent, ou nous ont montré qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un effectif de champion potentiel pour mettre en place un vrai projet de jeu cohérent voire agréable. La Rochelle est évidemment hors concours mais un superbe exemple, l’UBB (avant Ibanez en était un aussi), cette saison Grenoble coule vers la Pro D2, mais vu le jeu développé je ne suis pas inquiet pour eux la saison prochaine, le Stade Français champion il y a deux ans avec des joueurs en majorité moyens comme on le voit aujourd’hui etc...

Conclusion

A l’image du Racing 92 ou du RCT, le Stade Toulousain semble penser que son nombre d’étoiles sur le torse et de Brennus dans la vitrine vont lui garantir une place dans le gotha français et européen ad vitam aeternam. Hors, pendant que le Stade encaissait les trophées et les chèques des sponsors tout en détruisant la base de sa réussite, les autres clubs ont commencé à avoir des idées, à innover pour rattraper le retard sans qu’on leur donne les mêmes armes économiques. Aujourd’hui Toulouse n’a plus le réservoir de joueurs au centre de formation qu’autrefois, aujourd’hui Toulouse n’attire plus les partenaires qu’ils avaient lors des années dorées, aujourd’hui Toulouse rentre dans le rang du Rugby Français mais ses responsables continuent de mener une stratégie comme si un club se gérait en donnant plus de crédit au passé qu’au futur. Pendant que le Stade Toulousain s’employait à détruire son système en conservant à sa tête une suffisance et une arrogance caractéristiques des nantis refusant de constater leur chute, nombre de clubs ont basculé vers des nouveaux plans de jeu plus aérés, des systèmes de recrutement avec un vrai scouting sur le territoire Français, une ouverture à de nouvelles cultures, de nouvelles idées etc…

Si Toulouse veut survivre, la ville Rose doit se servir de son passé, de son savoir-faire, pour avancer vers de nouveaux horizons, guidés par une équipe dirigeante qui ne serait pas issue de l’establishment Toulousain et qui pourrait construire sur la durée. Le changement et l’innovation ne peuvent être menés par ceux qui ont entrainé le Stade dans sa chute, l’effectif est en pleine mutation, ne le gâchons pas en lui servant de vielles recettes.

RECENT POSTS
SEARCH BY TAGS
ARCHIVE
bottom of page