Bilan du Tournoi : La Charnière
Plus que les autres postes, la charnière possède une part subjective dans son évaluation que les statistiques ne révéleront jamais. L'influence sur les gros, les choix de jeu, l'occupation etc... Donc des différents articles de bilan du tournoi 2017, celui-ci sera le plus personnel, le moins pragmatique. Bonne lecture.

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Demi de Mêlée
Les « autres » :
Antoine Dupont (2 apparitions) : 30 mètres parcourus, 7 défenseurs battus, 1 offload, 10 courses avec ballon, 4 placages réalisés, 0 placage manqué, 1 ballon gagné, 0 pénalité concédée
Maxime Machenaud (3 apparitions) : 26 mètres parcourus, 3 défenseurs battus, 0 offload, 4 courses avec ballon, 6 placages réalisés, 3 placages manqués, 1 ballon gagné, 1 pénalité concédée
Le Bilan des Français :
Le poste de 9 est, depuis plusieurs années, un véritable piège, voire un casse-tête pour les sélectionneurs. Les talents ne manquent pas, mais l’impatience du Gaulois a poussé dehors de nombreux talents à qui nous n’avons pas pardonné une erreur humaine sous prétexte qu’il y avait de nombreux demis de mêlée de haut niveau en réserve, tout cela pour finir à faire une Coupe du Monde avec Sébastien Tillous-Bordes… Le contexte n’est pas différent, Baptiste Serin a en embuscade derrière lui : Machenaud, Dupont, Parra, Bezy voire Iribaren, Lesgourgues, Paillaugues etc … Mais le staff a décidé de lui accorder une confiance pleine et entière, de l’installer en patron en le titularisant lors des 5 rencontres de ce Tournoi. Pour son premier tournoi il a assuré, sans être extraordinaire, avec quelques passages à vide, il a bien voire très bien fait son job. Ses statistiques sont bonnes même si il est difficile de juger un 9 la dessus, mais ce garçon pue le rugby, il est complet comme aucun 9 aujourd’hui en France, formidable technicien, excellent animateur, bon défenseur, il lui manque la constance sur 80 minutes. Il a pris le relai d’un Machenaud, titulaire en Novembre, les mandats se suivent et se ressemblent pour le Racingmen, comme PSA avant lui, Novès lui a donné les clés du camion, il était progressivement descendu dans la hiérarchie pour finalement disparaître des radars lors du mandat précédent, pas impossible qu’il se produise la même chose aujourd’hui. En effet, une petite blessure l’a écarté durant le Tournoi, c’est la faille que demandait Antoine Dupont pour intégrer le XV de France, vu les prestations du jeune Castrais, des statistiques meilleures que Machenaud avec deux fois moins de temps de jeu il sera difficile de le déloger du squad. De plus, malgré un Machenaud apte pour la conclusion face aux Gallois, le staff décida de conserver Toto Dupont pour ce que l’on savait être un vrai match à enjeux, et le futur Toulousain a impressionné de justesse et de maîtrise lors de la fin de match épique contre le XV du Poireau.
L’avenir
Radieux, Baptiste Serin et Antoine Dupont impressionnent, et il sera difficile de les déloger. Le Bèglais est aujourd’hui titulaire, il n’y a pas grand-chose à mettre à son débit qui pourrait remettre en cause ce statut. Ensuite Antoine Dupont impressionne, sans doute titulaire l’an prochain au Stade Toulousain, il « risque » de progresser en engrangeant des minutes et étant le patron d’un pack en manque de leader naturel. D’autres s’inviteront sans doute à la fête, mais à mon avis, seulement en cas d’absence de l’un des deux premiers cités. Machenaud parait évidemment le mieux placé pour compléter ce binôme si l’on prend en compte les dernières liste de Guy Novès, néanmoins ses performances n’ont pas l’air d’avoir convaincu, si bien que Dupont lui fut préféré lors de la confrontation Galloise. Déjà 550 mots sur les 9 et je n’ai toujours pas évoqué Morgan Parra, une pétition est en cours de rédaction du côté du Michelin. Cas compliqué que celui du Jaunard, et en bon narcissique je vais me citer (article sur la tournée de Novembre) : « Il parait évident que sur les 4 premiers mois de la saison, le 9 français collant le mieux au profil recherché pour accompagner Serin est Morgan Parra, qui marche sur l’eau actuellement. Mais voilà depuis 2008 Parra est de toutes les campagnes, et s’il n’est pas un titulaire indiscutable durant ces tests, le buteur numéro 1 et même (comme on aurait pu le penser) le capitaine du XV de France, c’est que malgré ses 65 sélections à seulement 28 ans, il reste irrégulier à long terme, Machenaud, Kockott puis Tillous-Bordes, tous moins talentueux lui sont successivement passés devant. Mais s’il continue il deviendra une évidence, de là a de nouveau bousculer la hiérarchie ? Mon opinion est que si Serin devient numéro 1, les carences défensives, et la volonté de continuité du staff pourrait empêcher le retour de Parra. A contrario, sa science du jeu, son sang-froid face aux perches pourraient le ramener sur le devant de la scène. » Mon opinion reste la même, Parra mérite sportivement d’être dans les listes de Guy Novès, néanmoins, je ne vois pas de marge si énorme entre Serin et Parra qui justifierait de briser la logique d’avenir mise en place, de même je n’imagine pas Morgan Parra remplaçant, d’où mon pari que sauf blessure il ne reviendra pas à court terme. En revanche il est un parallèle étonnant avec un ancien grand 9 du XV de France, Morgan Parra trouve « toujours le moyen » de se glisser dans les bons coups, qu’il soit écarté pour blessure, performance, comportement, Parra est de toutes les campagnes (sauf deux tournois) depuis 2008, ses performances en club et l’opinion publique l’ont souvent rendu évident alors qu’on le croyait écarté, ne jurons de rien avec ce garçon.
Où se situe le titulaire Français par rapport à ses concurrents durant le tournoi ?
Très difficile de juger un 9 en statistiques, elles révèlent certains points forts ou faibles, et donnent une tendance mais ne reflètent pas l’influence dans le jeu, la justesse des choix. Nous allons faire par élimination, Ali Price est un peu juste encore, et a beaucoup moins joué, prenant la suite de Greig Laidlaw, Edoardo Gori est un bon joueur, mais la faiblesse italienne ne permet pas de révéler le niveau réel d’animateur de ce joueur, faible en défense mais très actif en attaque. Des quatre derniers il est difficile d’en écarter un, Rhys Webb et Baptiste Serin ont les meilleures statistiques offensives, idem défensivement. Conor Murray est certainement celui qui est considéré comme le meilleur animateur, le joueur le plus propre également, néanmoins je ne l’ai pas trouvé aussi impressionnant qu’il put l’être, quatre titularisations, pour deux défaites et des statistiques quelconques pour lui, toujours performant néanmoins. Un peu le même gout d’inachevé avec Ben Youngs, au point qu’Eddie Jones le mit sur le banc face aux italiens pour toucher l’égo du Tigre de Leicester. Le classement est donc vraiment subjectif :
1/ Rhys Webb (malgré le nombre important de pénalités concédées)
2/ Conor Murray / Baptiste Serin
3/ Ben Youngs
Demi d’Ouverture
Les « autres »
Jean Marc Doussain (1 apparitions) : 7 mètres parcourus, 0 défenseur battu, 0 offload, 2 courses avec ballon, 0 placage réalisé, 0 placage manqué, 0 ballon gagné, 0 pénalité concédée
François Trinh-Duc (2 apparitions) : 60 mètres parcourus, 1 défenseur battu, 0 offload, 9 courses avec ballon, 4 placages réalisés, 1 placage manqué, 1 ballon gagné, 0 pénalité concédée
Le Bilan des Français
Le début de mandat de Guy Novès, comme nombre de ses prédécesseurs, est marqué par de nombreuses péripéties concernant le poste d’ouvreur, ce n’est pourtant pas faute d’avoir fait un choix assumé dès sa prise de fonction, « François Trinh-Duc sera l’ouvreur du XV de France ». Force est de constater que le physique du Toulonnais a une propension importante à briser les élans de l’éternel espoir Français au poste d’ouvreur. La tournée de Novembre ne nous avait pas plus éclairé, hormis sur le fait que la confiance accordée à Jules Plisson semblait rompue. Jean-Marc Doussain et Camille Lopez s’étaient partagés le temps de jeu avec des performances plutôt convaincantes des deux côtés, sans qu’aucun ne se détache réellement. FTD blessé en début de tournoi, le staff a fait le choix de Camille Lopez, ses performances en club et surtout le choix de titulariser Baptiste Serin ont fait certainement pencher la balance. En effet si Camille Lopez n’était pas une garantie face aux perches, Doussain possède une vraie déficience de précision dans l’exercice du but. A l’issue de ce tournoi, je ne sais pas si c’est un travail technique réalisé à l’ASM, un cap mental passé par le Mauléonnais ou les deux, mais Lopez est devenu d’une fiabilité impressionnante, tant dans le tournoi que dans les matchs suivants avec son club, il finit tout de même meilleur buteur du tournoi avec un très bon pourcentage, impressionnant. Son autre défaut majeur par le passé était l’inconstance de sa défense, il finit avec le plus grand nombre de placages réussis, et le 2ème pourcentage (derrière Sexton qui n’a joué que 3 matchs), là encore un vrai palier passé. Dans la gestion du jeu, puisqu’il faut quand même trouver un peu à redire, je le trouve inconstant dans les variations, dans l’occupation, est-ce de son fait ou respecte-t-il le plan de jeu établi, je ne le sais pas. Pour résumer, il m’a plus que convaincu là où j’étais sceptique. Ensuite impossible de juger Doussain, même si à peu près tous les experts des réseaux sociaux l’ont fait suite à sa rentrée en Angleterre, je retiendrais sa tournée de Novembre, il est clairement derrière Lopez et Trinh-Duc mais c’est un joueur solide, bon techniquement qui, sans être génial, rendra de nombreux services dans l’avenir en cas d’absence. François Trinh-Duc quant à lui, est rentré lors des deux derniers matchs, au centre, pas à l’ouverture, peu à dire si ce n’est qu’il confirme qu’il est un attaquant comme nous en avons peu, il aura du mal à récupérer le numéro 10, mais ses rentrées dans le tournoi et ses bouts de matchs au RCT en 12 en font un remplaçant parfait couvrant les deux postes avec toutes les garanties offensives et défensives.
L’avenir
Pas grand-chose de plus à dire que ce qui a été évoqué ci-dessus. Camille Lopez semble s’être imposé, FTD a le profil du remplaçant parfait, Jean-Marc Doussain à l’affut. L’avenir à court terme de Jules Plisson me semble compromis, même s’il revient bien actuellement, son inconstance globale reste très gênante.
Petite pièce sur l’avenir, je l’ai suggéré plusieurs fois et l’actualité me conforte dans le fait, qu’un futur 10 du XV de France serait déjà un titulaire de cette équipe avec le numéro 9, en effet Baptiste Serin enchaîne les titularisations à l’ouverture avec son club et avec succès. Ce ne sera peut-être pas immédiat mais la courbe de progression de Dupont pourrait pousser le staff à se poser des questions si le replacement de Serin perdure. Affaire à suivre.
Où se situe le titulaire Français par rapport à ses concurrents durant le tournoi ?
Compliqué de juger les 10 de ce tournoi, hiérarchiser les cinq meilleurs est incroyablement subjectif. Hormis Carlo Canna, très friable en défense, et qui se fait une fracture du mental dès qu’il se retrouve face aux perches (mais qui mérite qu’on lui fasse confiance, chose peu vue pour un 10 Italien depuis longtemps), départager ne sera pas aisé.
Le vrai patron : Jonathan Sexton, depuis la retraite de Wilkinson, d’O’Gara il est le seul Demi d’Ouverture à réellement s’imposer en Europe, son seul défaut reste objectivement ses blessures. Pour le reste il répond présent à chaque fois tant en attaque qu’en défense, son pourcentage face aux perches lors des gros matchs donne un sentiment de maitrise totale qui participe à l’impression de supériorité qu’il dégage. Néanmoins il ne joue « que » trois matchs sur ce tournoi.
On les attend au niveau du patron : George Ford et Dan Biggar. Oui l’Anglais est plus jeune, mais il enchaîne sa Troisième année en tant que titulaire de la meilleure équipe Européenne, prodige offensif annoncé, excellent animateur on attendait qu’il passe un cap. Sur ce tournoi il fut bon mais sans plus (voire très moyen défensivement), comme si le fait de jouer avec Owen Farrell en 5/8ème à ses côtés l’inhibait offensivement, comme si en réalité le vrai détenteur de l’animation Anglaise portait le numéro 12. Je ne peux pas réellement le juger parce qu’il n’a pas (plus) vraiment les clés du camion, est-ce le plan de jeu, ou réel coup de mou personnel ? Je ne sais pas, l’avenir nous le dira, et son « changement » d’air cet été pourrait lui être bénéfique. Le fait est qu’au moment où l’on attend que le demi d’ouverture Briton « grandisse », ses carences défensives restent criantes, il ne bute jamais en équipe nationale et semble laisser le leadership à Owen Farrell. Inquiétant.
Dan Biggar avait littéralement explosé aux yeux de la planète rugby lors de la Coupe du Monde 2015, bien que titulaire Gallois depuis 2012, des questions se posaient entre lui, Hook, Priestland voire Ascombe jusqu’au début de la dernière RWC. Son exposition médiatique, sa réussite face aux perches (en l’absence d’Halfpenny) ont révélé un joueur complet, grand attaquant et bon animateur. Aujourd’hui si le but lui a donné de l’épaisseur dans l’opinion qu’ont les spectateurs, il reste une valeur sure et incontestée Européenne, même avec le retour d’Halfpenny aux affaires. Aléatoire en défense, dans un tournoi particulier pour les Gallois (sans le boss Gatland) il a été bon mais à l’image de son équipe, avec un gout d’inachevé tant on connait ses capacités. Contrairement à son homologue Anglais, il connaitra le bonheur d’une tournée avec les Lions cet été, mérité sur ses performances depuis deux ans.
Ils étaient attendus pour confirmation : Finn Russell et Camille Lopez. Un peu plus d’expérience du côté Ecossais et des promesses de jeu et d’enthousiasme avant ce tournoi. Russell comme sa ligne de ¾ avait un examen compliqué à réussir pour mettre en adéquation la beauté de leur jeu avec le pragmatisme des résultats. Nous avions constaté depuis 2015 leur capacité à bien jouer, nous les attendions sur le reste. Russell peut-il passer le cap en devenant le patron d’une ligne agréable est structurée ? Aujourd’hui je ne sais toujours pas, et c’est sans doute ce qui fait le charme de ce joueur, un talent offensif inné, un animateur hors pair capable de déstabiliser une défense à tout moment. Mais aussi une défense très très hasardeuse (33% de placages manqués), une concentration coupable à des moments importants, comme un « branleur magnifique » qui ne verrait le jeu que comme un loisir de dimanche après-midi. Formidable joueur avec quelques carences qui restent importantes.
Camille Lopez passait le même examen de passage, on le savait bon dans le jeu, dans l’attaque de la ligne, affirmé comme un patron d’un des meilleurs clubs d’Europe. Il était attendu au tournant en défense, dans le rôle de buteur (qu’il n’assume qu’avec parcimonie à l’ASM) et dans sa capacité à gérer la pression. Je ne vais pas revenir sur le bilan du début de l’article, mais ses 90% et son statut de meilleur buteur du Tournoi viennent renforcer l’excellente impression laissée. Et comme si chaque expérience le faisait grandir, il a mis une nouvelle pierre pour consolider sa réputation Européenne avec la demi-finale de coupe d’Europe extraordinaire face au Leinster de … Jonathan Sexton. Une réussite certaine.
1/Jonathan Sexton, même avec trois matchs il n’y a rien à mettre à son débit, au dessus !
2/ Finn Russell
3/ Camille Lopez
Mention pour celui qui est très proche de l’Irlandais, mais ne peut figurer dans ce classement. Owen Farrell va récupérer le 10 de la perfide Albion rapidement, à mon avis.