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Rugby Français : "La peur l'Autre"

Durant ces dernières semaines, nos chastes oreilles ne purent éviter certains débats nauséabonds, durant lesquels, les polémiques sportives viennent se corréler aux maux sociétaux.

La volonté affichée par Alivereti Raka de représenter la France a relancé un débat, celui de joueurs nés et/ou formés hors des frontières françaises portant la tunique bleue.

La France du Rugby est malade depuis quelques années, et cherche, sans mesure aucune, les causes de son mal-être général. Les JIFFs, les difficultés du XV de France, les provocations de ses dirigeants etc... Les statistiques sur les JIFFs et les joueurs étrangers non sélectionnables mettent en exergue des lacunes certaines, elle pointe du doigt notamment :

  • La formation, sans doute plus en adéquation avec les évolutions du Rugby moderne.

  • Les dirigeants de clubs professionnels toujours plus prompt à trouver un joker médical étranger qu'à prolonger un espoir

  • Les instances gouvernantes passant leur temps à s’invectiver puérilement pour mieux démentir les polémiques qu'ils ont sans doute eux-mêmes créé. Pendant ce temps, si l’espace médiatique est correctement occupé nous ne pouvons que regarder le déclin du rugby Français, sur des écrans gratuits certes, mais qui ne masquent pas la tristesse des images proposées.

Mais il est essentiel de regarder dans les rétroviseurs et ne pas oublier l'histoire du sport et du Rugby Français. Dire que le Top14 dessert le XV de France en ne laissant que 50% de temps de jeu au Français c'est factuel et dommageable (cf. Infographie). Pointer du doigt les étrangers monopolisant les 50% restant est d'une idiotie peu commune.

(Explication sur les articles précédents : ici)

Raka avec le maillot bleu, est-ce une polémique d'opportunité ?

Comme le disait un grand philosophe Sarkozyste, « Quand il y en a un, pas de problème. C'est quand il y en a plusieurs que ça peut poser des problèmes » (Brice Hortefeux évoquant les immigrés ou les auvergnats…).

L'an passé des voix s'élevèrent sans trop de vigueur avec les titularisations de Nakaitaci et Vakatawa. J'ai noté moins d'offuscation dans les pays concernés concernant Te’o, Rokodoguni et Hugues en Angleterre, Koroibete, Kuridrani, Naholo pour la Bledisloe Cup cet automne, sans parler du formidable CJ Stander (voire de Bundee Aki) avec les Irish ou la renaissance du rugby « Ecossais » sous Vern Cotter.

Mais faisons fi de cela, nous savons qu’il est de bon ton en France de blâmer localement ce qui est considéré comme une réussite ailleurs. Néanmoins il reste intéressant de rappeler aux ayatollahs de la préférence nationale qu'il est utile de voir ce qu'il se fait hors de nos frontières, nous éviteront ainsi les amalgames rétrogrades.

(Le nombre de joueurs est : le nombre de joueurs nés hors de la nation représentée, utilisés dans les différents squads entre 1999 et 2015.

Le % est celui de la CDM durant laquelle le pays a utilisé le plus de joueurs nés hors du pays)

Est-il problématique d'avoir des étrangers en EDF ?

Non c'est le sens de l'histoire. Ce qui est problématique c'est d'être "obliger" de sélectionner des étrangers moyens pour palier à des carences que le Rugby Français a lui-même créé. Oui les sélections de Kockott, Le Roux, Kotze, Antonio, Spedding (liste non exhaustive) ces dernières années posent problèmes à mon avis, non pas parce qu'ils sont étrangers mais parce qu'ils sont sélectionnés par défaut. Parce que ces joueurs ne « font pas le choix du Coq », ils saisissent une opportunité de carrière qu'ils n'auraient jamais eue avec leur pays natal, et donc ces appels à fredonner la Marseillaise au Stade France mettent en exergue un vrai manque ou trou de génération à certains postes. Cela n’enlève en rien l’engagement qu’ils peuvent mettre. Je n’ai évidemment rien contre ces joueurs-là humainement parlant, mais il me semble dangereux de considérer que des joueurs trop faibles pour représenter une nation étrangère pourraient amener le XV de France au niveau de ces mêmes nations.

Mais Raka ce n'est pas le cas (s'il garde ce niveau stratosphérique), c'est un garçon francophone, marié à une française avec une petite fille, qui CHOISIT la sélection française et domine le championnat à son poste. Que l'on cesse de penser que les choix des sportifs sont faits sous une pression ou une contrainte perpétuelle.

Que l'on sorte du microcosme de l'ovalie, Tony Parker né en Belgique d'un père américain et d'une mère Néerlandaise sera d'ici quelques années considéré comme le plus grand basketteur Français de l'histoire. David Trezeguet, Argentin et formé à Buenos Aires a offert à la France l'un de ses plus beaux moments de sport à l'euro 2000, avec un accent qui à faire pâlir Rory Kockott. J'avais 11 mais je me souviens encore du concours de folie d'Eunice Barber championne du monde de l'Heptathlon à Séville en 99 qui avait auparavant représenté la Sierra-Leone. Et les amateurs de tennis se plaisent allègrement à revendiquer les titres de Mary Pierce, Americano-Candienne mais dont les titres sont Français. Les exemples sont multiples en France, et innombrables dans le Rugby mondial.

Par exemple pour moi, la plus belle équipe Néo Zelandaise de l’ère moderne reste celle de la Coupe du Monde 2007 (j’aime bien les losers magnifiques) dont le squad est composé à 25% de joueurs nés dans les Iles du Pacifique mais ayant fait le choix de la Fougère : Jerry Collins, Rodney So’oialo, Chris Masoe, Sione Lauaki, Isaia Toeava, Sitiveni Sivivatu, Joe Rokocoko, Mils Muliaina.

Et pour revenir au ballon ovale hexagonal, il y a quelques semaines le Rugby Français rendait un hommage à l'un des siens, le Toulonnais et international Français Eric Melville, tous les titres de presse titraient « le Toulonnais », « l’international Varois », sa dévotion à la France et au maillot frappé du muguet ont fait de sa nationalité une anecdote.

Aujourd’hui de la même façon qu’il ne faut pas blâmer les joueurs étrangers venus profiter d’un système économique en Top 14 dont ils ne sont pas responsables, il faut dépassionner le débat des étrangers avec le maillot bleu.

Ce débat est dangereux parce qu’il peut obliger des Hommes tolérants et ouverts à s’engager dans d’infectes discussions sur les méchants étrangers qui volent la place des gentils Français en Top 14 et en Equipe de France. Et il devient impossible de d’expliquer pourquoi je pense qu’il n’est pas gênant de sélectionner Raka (s’il reste à ce niveau de performance) mais qu’appeler Le Roux ou Kotze est une ignominie. De la même façon que je suppose que les Anglais n’ont pas bronché au moment de l’appel de Manu Tuilagi mais que celui de Shontayne Hape a fait régurgiter quelques tasses d’Earl Grey.

Donc oui c’est très subjectif mais la sélection de joueurs étrangers fait partie d’une culture du rugby et du sport en général, cette culture doit être préservée en bonne intelligence sans nuire à la formation locale. Si un sélectionneur fait la bêtise de convoquer un joueur étranger sans qu’il apporte une plus-value importante alors nous perdrons l’essence du Rugby, c’est-à-dire l’affection populaire pour l’équipe. Le public a besoin de s’identifier et ne le fera que par comparaison, si Raka amène spectacle et essais comme c’est probable, l’identification sera forte et immédiate. Quand Le Roux, jamais désiré par les Boks, est sélectionné à la place de Cancoriet et Macalou qui amènent spectacle et jeunesse tous les WE, cela ne peut apporter que du désamour. Aujourd’hui rappeler Kotze est un terrible aveu de faiblesse, quel intérêt de prendre un trentenaire Sud-Af pour faire 20 minutes à la pile ?

Ne pas oublier que nous sommes Français et supporter de Rugby, donc très cons par définition. Et que nous nous attacherons bien plus à une équipe de France jeune et virevoltante (quels que soit les joueurs qui la compose) qui perdra contre les Blacks mais mettra 6 ou 7 essais, qu’à une équipe préparée au WattBike et à la muscuu pour gagner 6-3 un soir d’hiver face aux Boks.

Les dérives à éviter

Pacific RugbyWelfare a alerté sur le cas de Raka, mais à mon avis il n’est pas révélateur des dérives notamment liées aux joueurs du pacifique. Prenons cet exemple concret, à corréler avec celui de Tuisova également. Effectivement un joueur Ilien touchera plus, beaucoup plus en étant sélectionné avec une sélection Européenne qu’avec ses Iles natales mais choisit-il cette sélection pour l’argent, comme l’a clamé Nathan Hughes ?

Un joueur comme Raka touchera un contrat très important lors de son renouvellement, le système JIFF en a fait une valeur rare donc chère, son niveau le placera tout en haut des grilles. Mais le choix de sa sélection sera un élément de négociation, et soyons honnête, comme Bernard Laporte avait poussé Tuisova à choisir les Fidji, il serait bien plus avantageux pour l’ASM que Raka choisisse son pays natal. Si on parle chiffres, les primes du XV de France peuvent représenter un mois de salaire (environ) pour un joueur de son niveau je ne doute pas un seul instant qu’un club comme l’ASM (ou quelques autre grand club Français) puisse « surpayer » un peu un tel joueur pour l’avoir 4 mois de plus par saison …

Les dérives sont évidentes, et elles ne se voient pas avec les grands joueurs tels que Tuisova, Nakarawa ou Raka par exemple. Mais le club qui offre un contrat a par essence un moyen de pression, que certains n’hésitent pas à utiliser pour contraindre des joueurs à décliner certains rassemblement, voire à annoncer leurs retraites internationales. Néanmoins il est très facile, trop facile de taper sur la France quand d’autres nations telles que l’Angleterre, l’Australie, la Nouvelle-Zélande piochent allègrement sans laisser de pourboire chez les joueurs du pacifique.

Hormis l’affaiblissement certain des nations du Pacifique, et les pressions que des clubs puissants pourraient exercer sur des joueurs, une autre dérive pourraient arriver. La sélection comme plan de carrière, le rugby Européen est aussi un rugby de communication et une sélection avec une grande nation vaut plus cher sur un CV que des dizaines avec une équipe de Tiers 2 : Frank Halai, Alby Mathewson, René Ranger, Rudi Wulf, Jamie MacKintosh, Benson Stanley, Anthony Tuitavake. Voici une liste non exhaustive de joueurs du Top 14 dont la sélection avec les Blacks a ouvert les portes à une carrière et des contrats Européens qu’ils n’auraient sans doute pas eu sans (l’exemple fonctionne avec d’autres nations). De plus certains d’entre eux pourraient faire le bonheur de sélections du Pacifique par leurs origines voire leur lieu de naissance (Halai est Tongien) s’ils n’étaient bloqués par une ou deux sélections avec les blacks.

Concluons en résumant

Les étrangers en sélections c’est mal ?

Evidemment que non, mais comme tout sujet sensible une frontière poreuse existe entre le suicide de sa formation interne et le sens de l’histoire sportive qui fait qu’ammendonné, un sportif peut décider de représenter une nation qui n’est pas celle qui lui était destinée à la naissance. Nous n’en avons pas parlé mais Virimi Vakatawa est un exemple extraordinaire de cela, l’opinion publique ne juge le rugby qu’à travers le prisme du XV, mais il a fait passer le VII Français dans une autre dimension médiatique et sportive, faisant deux fois le choix du VII et de la France plutôt que d’un contrat bien plus important dans un club à XV.

D’un autre coté il y’a le suicide courtermiste vu en France ces dernières années et en Angleterre un peu avant, ou l’on privilégie l’appel à un joueur étranger moyen pour essayer de combler un manque passager, quand de prendre le temps avec un jeune prometteur serait plus bénéfique pour tous à moyen terme.

Oui cette frontière est opaque parce qu’autant de personne pourront dire que l’un est un joyau quand l’autre n’aurait jamais eu sa place avec son pays d’origine. Mais s’il n’y a pas de vérité, et le futur jugera.

Y’a-t-il trop d’étrangers en Top 14 ?

Evidemment que plus il y d’étrangers sur les feuilles et moins il y a de français pouvant éclore. L’équation est simple sur le papier mais la complexité vient de différentes inconnues :

  • L’inflation des salaires des JIFFs/Français : le système JIFF et le calendrier Français rendant les internationaux absents régulièrement, ont rendu rare donc très cher le joueur Français moyen. Il faut trouver un moyen pour que le marché se régule et qu’à qualité égale, un président ne soit pas tenté de prendre un remplaçant de Currie Cup plutôt qu’un espoir de son club.

  • Parce que ce n’est pas les stars ou les grands joueurs qui « posent problème », mais les joueurs de complément qui ne viennent que parce que nous avons dérégulé le marché.

  • Les Jokers (Médicaux et autres) : stop à cette une ignominie notoire, cela « obligerait » les dirigeants à piocher dans le réservoir du club lors des absences. Définissons des périodes de mutations claires et limitées dans le temps.

Est-ce qu’on est tous des gros cons ?

Ça dépend, c’est multifactoriel, mais globalement je dirais oui.

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