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L’Impasse, un poison nécessaire

« L’Impasse », sujet vaste et périlleux, comme dans le film éponyme, de Brian De Palma avec Al Pacino, on n’échappe pas à son passé, on n’échappe pas au milieu si on ne change pas soi-même les règles du jeu, et le temps qui passe ne fait que repousser l’inévitable. Les mesurettes de la Ligue, plus basées sur des pseudo-sanctions que sur de l’incitation, sont évidemment inefficaces face à une pratique ancrée dans la gestion des effectifs depuis des années. La simplicité, on la voit déjà fleurir partout, serait de blâmer uniquement les clubs, la simplicité révèle, comme souvent, une négligence globale !

Pourquoi faire une impasse ?

La question vous parait idiote, il apparait pourtant important de l’expliquer. Toulouse et Agen (pour les exemples les plus criants de ce début de saison) ne font pas tourner les effectifs pour le plaisir de faire grimper l’action Samsonite, un retour en bus avec les valises aussi pleines qu’une voiture de portugais en partance pour un mois de vacances au pays, ça n’est agréable pour personne.

L’impasse de bas de tableau

Alors cette situation choque moins mais elle est institutionnalisée, les clubs dont le maintien dans l’élite est le seul objectif préfère faire « all-in » sur les matchs potentiellement « gagnables », souvent à la maison, et lâcher complètement les matchs contre les grosses écuries à l’extérieur, et je ne parle pas du Challenge Européen ! Souvent ces clubs ont des budgets, et donc des effectifs moindres et vont jouer le tout pour le tout à domicile et face aux adversaires directs. Avec 50% de victoire à la maison et quelques bonus, le maintien sera assuré, et ce phénomène va s’accentuer avec le fait qu’il n’y ait qu’une seule descente directe.

Alors oui, ils passent moins sur Canal et sur BeIn, oui il y a une certaine mansuétude envers les « petits » mais quand on va commencer à se faire taper régulièrement par les russes et les roumains en Challenge, et que les scores à 60 points vont s’accentuer peut-être que le ridicule va nous étouffer !

L’impasse de haut de tableau

Le match de Toulouse à Montpellier est un caricature de l’impasse, mais cela existe tous les weekends. Dès que des résultats positifs s’enchainent toutes les équipes de Top 14 font tourner leurs effectifs pour gérer les pics de forme, anticiper les blessures, les futures vacances des joueurs internationaux etc… Néanmoins, et même si j’attends de voir la fin de la saison pour juger, mais faire tourner ne signifie pas « être ridicule » or le Stade n’en était pas loin, le Racing par exemple, avait largement fait tourner son effectif la journée précédente à Toulouse tout en restant compétitif, et cela pour préparer un duo copieux avec la réception du champion Castrais ce weekend puis le court déplacement chez le voisin Parisien.

Le Top 14, avec la possibilité d’être qualifié en étant 6ème permet ces choses-là, c’est laid mais compréhensible, quand on rajoute que cette formule permet d’être qualifié avec 13 voire 14 victoires le calcul est vite fait. Et souvent après un résultat positif à l’extérieur, validé à la maison, une revue d’effectif est faite pour le déplacement suivant.

Dans deux semaines une autre forme d’impasse va apparaître, souvent les clubs comme le Stade Toulousain ou le Racing évoqués précédemment font des impasses en Top 14 pour tenter de bien figurer en Coupe d’Europe. Mais pour d’autres clubs, la H-Cup n’est pas un objectif et sert de variable d’ajustement pour jouer à fond les matchs de championnat, le Castres Olympique s’est longtemps fait railler là-dessus, mais ses résultats en Top 14 ont toujours été salués.

Je ne crois pas aux coïncidences, si le CO réussit bien ces dernières années c’est aussi parce que son effectif est intelligemment géré, et il est évident que les impasses sont nécessaires à la bonne gestion de l’effectif, mais il faut en être conscient et choisir son poison.

Vers la mort annoncée, les instances jouent la carte du survivant

Challenge, H-Cup, Top 14, je pars du principe que si les clubs pouvaient jouer tous les matchs pour les gagner ils le feraient. Si tous les staffs de France font des impasses c’est qu’une telle chose est une utopie à laquelle seuls les grands pontes Parisiens croient. Néanmoins pour éviter les impasses et les purges télévisuelles comme le MHR - Stade Toulousain du weekend dernier, des actions sont nécessaires, mais l’immobilisme Français voire Européen est criant. Tout le monde sait que le calendrier est impossible à tenir mais on espère juste que le voisin craque le premier pour garder la main sur sa compétition.

Les mesures prises en Top 14

  • Un Top 6 avec barrage depuis la saison 2009-2010 : le but annoncé étant d’avoir plus de suspens en haut de tableau, la vérité est que ça a permis aux clubs de gérer leurs effectifs en pouvant faire des impasses. Certains ont pensé que c’était mieux d’avoir des matchs à enjeux pour la 7ème et la 8ème place tous les weekends que des vrais chocs pour les 4 premières…

Quelques chiffres

  • Sur les trois dernières saisons les clubs qualifiés ont en moyenne 75,5 points. Sur les 3 dernières années avant la mise en place des barrages, cette moyenne était de 85,3 points. 10 points c’est énorme, mais comme la stat se fait jusqu’au 6ème cela peut être logique.

  • Une autre stat : le premier du Top 14 avait en moyenne 84,6 points sur ces trois dernières saisons. Sur les trois années avant mise en place des barrages le premier avait en moyenne 91,7 points.

  • Dernière statistique : pour se qualifier (être minimum 4ème) et potentiellement être champion, il fallait en moyenne 77,6 points, aujourd’hui pour être 6ème il suffit de 67 points.

En augmentant le nombre de potentiel champions nous avons donc « affaibli » le championnat, là où le calendrier était déjà un problème, non seulement il l’est resté mais il est devenu un enjeu stratégique. Je m’explique, s’il était possible de faire quelques calculs auparavant, les possibilités d’impasses pour les clubs souhaitant être dans les quatre demi-finalistes étaient très restreintes.

L’exemple du Stade Toulousain la saison dernière est excellent, et un modèle de gestion du calendrier. Ils finissent 3ème avec seulement 74 points en ne gagnant que 4 matchs sur 10 face aux autres qualifiés (MHR, Racing, RCT, CO, LOU) et avec deux défaites à domicile face à ses concurrents directs pour le barrage. Il y a dix ans cela ne serait jamais arrivé, en voulant mettre du suspens on a dévalorisé les grandes affiches, car aujourd’hui aucun des favoris ne se déplace avec son « équipe type » face à un concurrent direct, de ce fait on a fait des « matchs moyens » d’autrefois des chocs pour la qualification, faire passer du Casanis pour du Ricard ça a jamais duré longtemps !

Factuellement les instances ont raison, jusque dans les dernières journées tous les matchs ont leur importance, mais simplement parce que l’on a nivelé les choses par le bas, si le terme de meilleur championnat du monde était auparavant prétentieux, il n’était pas entièrement galvaudé jusqu’en 2010. Aujourd’hui il fait simplement rire.

Or on ne devient les meilleurs qu’en se confrontant aux meilleurs. En élargissant le nombre de qualifiés aux phases finales, les meilleurs clubs Français ne se rencontrent plus vraiment avant la fin de la saison régulière. Cela a trois effets :

  • Ça permet aux clubs, auparavant destinés au ventre mou du championnat, de lutter avec les meilleurs pour décrocher le graal qu’est une qualification en playoff

  • Ça permet aux clubs destinés aux phases finales de gérer leur calendrier avec plus de souplesse, ne pouvant pas jouer tous les matchs à fond, ils se permettent d’arbitrer l’importance des matchs avec l’objectif d’être dans les 4 premiers, tout en ayant la sécurité de pouvoir se battre pour le Brennus en étant 6ème.

  • Ça permet aux clubs luttant pour la descente de se battre avec les gros faisant une impasse, ou de complètement lâcher un match si un favori aligne son équipe type, sans remord de prendre une dérouillée.

  • Et ça empêche les internationaux Français de se confronter régulièrement au niveau international. Souvenons-nous des chocs des années 2000 entre le Stade Toulousain, L’ASM, le BO, l’USAP, le Stade Français etc… Peut être ai-je la mémoire courte mais j’ai souvenir de matchs incroyablement intenses avec des impasses quasi inexistantes. Si ces chocs n’étaient pas du niveau international, ils n’en étaient pas loin.

L’effet papillon

Néanmoins tout cela ne pourrait être qu’anecdotique, mais il y a un véritable effet papillon, une impasse peut décider d’un titre d’une descente et ce n’est pas normal. Un exemple, mais il en existe beaucoup d’autres.

Le champion de France Castrais se qualifie à la 6ème place avec 2 points d’avance sur le 7ème, La Rochelle. Deux points c’est quoi ? C’est par exemple une équipe de Toulon qui se déplace à Pierre Antoine en faisant une grosse impasse et qui permet au CO de prendre 4 points inespérés vu la prestation des champions ce jour-là (victoire d’un point). Et ce même Toulon, quelques mois plus tard, en quête de points (6ème du championnat à l’époque) qui vient gagner à Deflandre alors que les Rochelais y étaient invaincus. Faites le calcul ça change un palmarès …

Néanmoins qui peut en vouloir au RCT pour cette impasse, sachant que ses internationaux rentrent de tournée et que suivent les réceptions de Bath et du LOU ? Personne, pourtant les conséquences sont très importantes. Elles le sont encore plus en bas de tableau ou avec des équipes comme Clermont la saison dernière ou Toulouse il y a deux ans qui, ne pouvant plus se qualifier, lâchent complètement le championnat.

Que faire ?

Enlève deux équipes à ce Top 14 Paulo, Top 12 ça sonne très bien ! Pourquoi est ce que c’est si compliqué, le calendrier est intenable, les conventions avec la FFR obligent à prendre des jokers moyens pour remplacer des internationaux, le challenge Européen est devenu une excroissance de l’Elite Espoir, c’est la seule solution !

Le problème tout le monde le sait c’est celui des Droits TV, comme un vulgaire VRP multicartes, la LNR et ses négociateurs pensent que c’est la quantité qui compte et que plus il y a de matchs plus ils vendront de lots.

Idiotie notoire que cela, d’ailleurs la Coupe d’Europe l’a compris et a réagi face à la grogne des clubs et des supporters. Pour plus d’équité et de spectacle ils ont réduit le nombre de clubs et ont modifié le système de qualification. Si bien qu’aucune impasse ou presque n’est possible et que tout le monde s’écharpe pour savoir quelle est la poule de la mort tellement le niveau est homogène.

Le problème c’est que le spectateur a le choix désormais, la Premiership a un modèle « idéal » qui permet aux chocs d’exister sur les deux tableaux (12 clubs, 4 qualifiés, 1 descente) et commence à intéresser grâce à SFR. La Coupe d’Europe s’est réformée et recommence à attirer de nouveau, là où elle avait perdu un peu de son éclat ces dernières saisons compte tenu d’une certaine iniquité sportive et de la sur-domination du RCT et des Sarries, les chaines se multiplient et tous les test-matchs, le super rugby vont devenir des enjeux majeurs pour les médias.

Si le Top 14 ne se réforme pas pour amener du spectacle il sera relégué rapidement dans la hiérarchie médiatique.

La réflexion selon laquelle il vaut mieux avoir beaucoup de matchs à enjeux avec un niveau moyen n’attire pas les téléspectateurs « non-initiés », le Rugby se développe partout mais les gens y cherchent le divertissement et avec la tendance actuelle, jamais nous n’irons conquérir de nouveaux adeptes et nous resteront en milieu fermé la où les banquets sont bons et les blagues graveleuses !

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