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XV de France : non le Top 14 ne prépare pas à la honte perpétuelle

Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein ? La déception chronique que nous procure le XV de France, corrélée à la grande soif ressentie depuis des décennies dans les club-houses de l’hexagone, nous amène à souvent voir le verre à moitié vide.

Et pourtant, n’y a-t-il pas moyen de passer outre les constats alarmistes ? D’essayer de faire abstraction de l’incohérence perpétuelle pour pointer ce qui fonctionne, pour tenter de poser les fondations du futur sur ce qui est, et non pas sur ce qui pourrait être ?

Est-ce possible que la situation actuelle ne soit pas si désespérée qu’elle le parait, est-ce que les décideurs actuels peuvent sortir de leurs zones de confort ? Zones de confort qui sont le plus souvent des zones d’influence où l’intérêt individuel prime sur la réussite collective.

Et bien j’ai la faiblesse de penser que quand la somme des compétences dépassent celle des inepties, que le bon sens finit par l’emporter, l’échéance est pour moi la seule question, et il y a urgence. Je ne suis pas dupe l’indécence des prestations du XV de France n’a d'égal que l’incohérence de la gestion de nos institutions, néanmoins je pense que les ingrédients principaux sont là, du talent, des clubs qui bossent bien, mais il manque un vrai chef pour gérer la grande cuisine du rugby Français, qui aujourd’hui ressemble plus à une tambouille de fin de soirée.

Mon optimisme, presque attendrissant vous l’avouerez, pourrait tomber dans neuf mois, lorsque le G.O. moustachu comptera ses trimestres et que le directeur de camping à la tête de la FFR nommera l’un de ses proches à la tète de l’Equipe de France, voire lui-même parce qu’un ancien international lui aura soufflé l’idée dans un message à 4h30 du matin !

Tout en priant Florian Fritz et David Marty (seuls dieux de l’Ovalie reconnus) dans l’espoir que le scénario décrit ci-dessus ne se produise pas, il est important de regarder vers ce qui fonctionne en 2019.

1 – Un Top 14 qui prépare au niveau international

Au détour de chaque conversation, entre « professionnels », entre « initiés » ou entre simples suiveurs occasionnels du rugby, les discours d’excuse et de dénigrement ont pointé le Top14 comme symptôme principal du mal-être de l’équipe nationale.

Je ne suis pas d'accord sur le principe, pour la simple raison qu'il n'y a pas, pour moi, un Top 14 seul et unique mais des Top 14. Oui certains clubs, certains styles de jeu ne préparent pas au niveau international, notamment en terme de rythme, dans l’enchaînement des temps de jeu, et jusqu'à il y a peu de temps, c’était un rugby qui gagnait en France et là était la problématique.

Et pour rester dans le thème de l'article je vois des tendances positives arriver, mais il faut maintenant qu'elles soient validées par des titres. En effet les meilleures équipes de ce Top 14 jouent un jeu qui tend à ressembler à ce que demande le haut niveau : Clermont, Toulouse, Lyon, La Rochelle, l'UBB, le Racing. Plus intéressant encore, des clubs comme le Racing et le Stade Toulousain ont su changer pour évoluer. Le Racing a joué pendant des années un rugby minimaliste, peu aéré, le stéréotype caricatural du Top 14. Malgré l'étiquette de "jeu à la toulousaine", le dit jeu n’était présent que sur les tee-shirts vendus rue Alsace-Lorraine, et ce depuis un moment, même les derniers titres (2011, 2012) étaient marqués du sceau d'avants conquérants et de buteurs efficaces : "l'ère JBE" comme nous pourrions l'appeler, pour ceux qui voudraient faire une comparaison très peu fortuite avec une nation jouant en bleu avec un drapeau tricolore à l'envers sur la manche gauche...

Ces deux clubs ont transformé leur jeu pour performer, d'autres ont toujours eu cette culture comme l'ASM ou l'UBB (si on met entre parenthèse l'ère Teague), Lyon et La Rochelle s'installent en haut du Top14 en jouant et en orientant leur développement vers des profils cohérents (cf. les champions du monde U20 au LOU). Le Stade Français est dans le flou sur le pré comme en coulisse, capable de belles performances mais très dépendant d'individualités et avec un projet difficile à cerner. Le CO joue à fond son Rugby pragmatique, qui ne peut fonctionner qu'en Top14 mais que les résultats récents légitiment pour l'instant. Le MHR, le RCT (voire la Section) plongent littéralement malgré des effectifs pléthoriques et des coachs renommés, des vraies fin de cycles à gérer dans le sud, tant dans les coulisses que sur le jeu pratiqué.

A noter l'excellente tenue des "petits" Agen et Grenoble qui font confiance et développent des jeunes dont les gros clubs profiteront d'ici quelques mois ou années, et tout ça sans fermer le jeu.

Nonobstant les haters du PMU et des réseaux sociaux gazouillants, le Top 14 n'est pas la caricature que beaucoup décrivent, non tout n'est pas parfait mais une bonne moitié de ce Top 14 développe un jeu et une philosophie en adéquation avec les standards internationaux, et avec juste cette moitié et une volonté de construire sur ces dits standards, je pense que le XV de France pourrait être compétitif.

Le principal problème ce n'est pas que les clubs ne servent pas le XV de France, mais que le XV de France ne se sert pas du travail des clubs pour construire son équipe et son jeu.

Aujourd'hui on demande aux Toulousains et aux Clermontois (principaux pourvoyeurs) de jouer le jeu de casse-brique "Made in Laporte", ce n'est pas un problème de talent pour moi, c'est un problème de cohérence de jeu et de profil.

2 – Le temps de jeu des Français en Top 14 est bon et cohérent

"Le Top 14 c'est le cimetière des mercenaires Îliens et Afrikaners venus s'assurer des contrats juteux pour mettre à l'abris leurs familles".

Comme le stéréotype du rugby casse-brique, le stéréotype du "tout étranger" colle à la peau du Top 14. Néanmoins comme nous l'avons vu dans dans mon article précédent le temps de jeu des Français augmente de façon significative en Top 14. Et la tendance n'ira qu'en s'améliorant, en effet sur les recrutements/mutations (hors retour de prêts) officiels pour la saison prochaine :

- 67% sont des joueurs Français

- 33% sont des joueurs Étrangers

- 14% sont des étrangers arrivant de l'extérieur (hors Top14 et ProD2)

- 66% : Ratios entre "Étrangers quittant le Top 14" et "Étrangers arrivant en Top14"

Tout n'est pas parfait, mais la courbe des indicateurs du Top 14 va dans le bon sens contrairement à celle du XV de France.

Et ça ne me fait rien d'autre que du mal de dire ça, mais le XV de la Rose nous a fait le brouillon de tout ce qu'il faut mettre en oeuvre, tant au niveau des clubs que de la sélection. Et en terme de club je pense que la leçon a été apprise, comme le montre ces quelques chiffres et les résultats Européens.

3 – Les internationaux ne jouent pas trop en club

Pas plus qu'en Angleterre qui nous a mis une fessée mémorable il y a quinze jours. Là encore c'est une fausse vérité répétée depuis des années : "les joueurs arrivent en équipe de France carbonisés par le Top 14".

En effet, si je ne prends en compte que les joueurs de la liste Elite, le temps des jeu des Français serait de 755 minutes en moyenne depuis le début de saison, soit identique à celui des Ecossais (cf Infographie ci dessous). Alors les atermoiement et le manque de visibilité à long terme du staff font que ces listes sont obsolètes moins de 6 mois après leurs parutions et donc que certains joueurs du groupe France actuel ne bénéficient pas des dispositions mises en place pour la Liste Elite, pourtant statistiquement cela semble cohérent comme système.

Evidemment si nous pouvions nous exonérer de quelques matchs en passant par Top 12, sans barrage et avec une seule descente (comme les Anglais), cela permettrait, en dehors de baisser artificiellement le temps de jeu de :

- Resserrer le nombre de potentiels internationaux au sein d'un nombre de club moins important = plus d'automatismes et d'émulation

- Moins de clubs = moins de joueurs = baisse de la raréfaction des talents nationaux = moins besoin de joueurs moyens étrangers (baisse de la bulle financière des JIFF)

- Moins de matchs = moins de doublons = mois d'impasses = championnat plus attractif = plus de public = argument de négo' pour les droits TV

- Moins de matchs = moins de descentes = plus de clubs concernés par la Coupe d'Europe = plus d'attractivité pour cette compétition délaissée = argument de négo' pour les droits TV

Conclusion

Loin de moi l'idée de glorifier le Top 14, de penser qu'en sa forme actuelle il est un atout majeur pour permettre au Rugby Français de sortir de sa léthargie chronique.

En revanche il est d'une démagogie absolue de rejeter sur le Top 14 et les clubs la responsabilité de l'échec industriel qu'est le XV de France, aujourd'hui le jeu d'une majorité de clubs, le réservoir de joueurs, les mesures de mise à disposition des internationaux etc... tout a été fait pour que le XV de France soit plus performant qu'il ne le fut. Etre dans de bonnes dispositions ne veut pas dire que je nous imagine être dans le Top 3 mondial, nous partions de trop loin en 2015, mais avec une politique cohérente, un staff bâtisseur et pérenne, le réservoir de joueurs, jamais la France ne devrait sortir du Top 6 mondial, et aurait pu avoir espoir d'être un prétendant à la victoire en 2023.

Les Anglais auront mis 8 ans et les mandats successifs de Stuart Lancaster puis d'Eddie Jones pour venir installer une génération dorée à la table des Blacks une année de Coupe du Monde.

Nous en avons déjà perdu 4 à cause uniquement de tergiversations politiques et de la promotion de convenances personnelles. Parce qu'aujourd'hui si on attend que le Top 14 sauve le XV de France, effectivement nous sommes dans le faux, nous pourrions avoir le meilleur championnat du monde si l'establishment ne roule pas pour que le XV de France soit au centre des débats jamais nous ne rattraperons le retard.

Le Top 14, avec tout ses défauts, se tourne vers ce que demande le Rugby mondial, il a entamé sa mutation depuis plusieurs mois et beaucoup de clubs en récoltent déjà les fruits. Cette mutation n'a pu se faire qu'avec des remise en question, des changements drastiques dans l'organisation des clubs, la promotions de staffs jeunes avec des idées nouvelles, la confiance envers des jeunes générations.

Donc non le Top 14 ne peut pas sauver ce XV de France ! Mais si les dirigeants (sur et hors terrain) de la FFR étaient au moins aussi performants que ceux des clubs qu'ils fustigent, le XV de France irait au moins aussi bien que le Top 14, nous ne serions pas champions du monde mais le ridicule et les certitudes ne nous étoufferaient pas à chaque rencontre en bleu.

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